À mesure que l’on se rapproche de La Défense Arena, la silhouette de la demeure du rebelle éternel pour ce soir se dessine peu à peu. Quand on y entre enfin, la DL Team invitée par Galaxy Corporation et AEG, un flash plein de magie surgit. Celui d’une chambre d’adolescent, pour beaucoup, qu’on aurait laissée ouverte. Sur les parois, les silhouettes en papier découpé d’idoles, au sol, des posters froissés devenus talismans, et, au milieu, l’idée folle que le rêve de jeune fille ou jeune garçon, celui qui a traversé les déménagements, les périodes d’examens, les amours qui s’usent, va, ce soir, prendre chair. La foule afflut autour du stade, un brouhaha de langues et d’âges qui se répondent sans se parler: allemand, italien, anglais, français, un panel de retrouvailles et de promesses. Paris n’avait droit qu’à une date européenne; il fallait y être. On pense à la Fashion Week, à la fidélité de G-Dragon pour la capitale, et déjà, sur le parvis, des silhouettes soignées donnent le ton. Ce concert aura aussi des airs de défilé.
À l’intérieur, l’enthousiasme se pose partout, jusque dans les restaurants qui débordent et la boutique de merchandising prise d’assaut. Un air de festival: VIP accueillis sous bannières officielles, blind test G-Dragon chez Deezer, karaoké spontané qui s’entrelace aux spots publicitaires et aux refrains familiers. Des amis se retrouvent par hasard au milieu du flux, s’étreignent comme à la sortie d’un aéroport. Et puis il y a ces scènes discrètes qui disent l’ampleur d’une trajectoire: ces couples trentenaires, quarantenaires, enfants sur l’épaule; cette mère de deux qui explique au père, fil d’anecdotes à l’appui, “comment se tenir” devant l’homme qui a scandé sa vingtaine. On rit: c’est touchant et surréaliste, comme lorsqu’on présente un amour de jeunesse au présent de sa vie.

Les lumières s’estompent et les minutes s’étirent, cinq qui semblent l’éternité. Sur l’écran, une introduction spectaculaire: des classiques, du plus frais, la thèse esthétique d’Übermensch versée dans la tuyauterie d’un show mondial. Le cut est net: Power fend le silence, et, avec lui, le retour après sept ans d’absence discographique.
G-Dragon surgit couronné, drapé d’un millier de roses rouges, l’imagerie de souveraineté et d’ironie mêlées. GD en un seul concept. Le son est franc, les appuis sûrs, la danse au cordeau. Le micro est ouvert et il le prouve. On aura connu des héros qui se cachaient derrière l’architecture d’un spectacle; lui s’y mesure frontalement, voix et souffle en première ligne. Le reste n’est que “Bullshxt”.
À peine deux titres et déjà, un “Bonjour” qui fait lever la salle comme un seul homme. La garde-robe s’ouvre comme un livre d’époques pour accueillir ce public frénésique, quelques couleurs franches pour les entrées, blanc immaculé pour les calmes respirations, dont Butterfly. Quinze ans ont passé et l’innocence, toujours, perce.
La salle n’en crie pas moins fort pour autant; elle se tait autrement, oscillant de lightsticks, doublé d’une vaste respiration commune et d’un respect qui ressemble à de la contemplation. Le set embrasse les temporalités avec des nouveautés qui en disent long sur sa capacité à rester lui-même malgré la concurrence. Puis, des classiques de ses premiers albums qui réveillent les bêtes endormies, Crooked lançant la marée, Heartbreaker l’emboîtant sans répit. On comprend enfin l’utilité des places numérotées: offrir un prétexte à la reprise de souffle, aussitôt démenti. GD en concert, c’est aussi du sport.

Depuis mars, la tournée a entamé sa route en Corée. Ici, parfois, de la fatigue affleure au coin d’un regard. Ailleurs, l’artiste triche avec le destin et rallonge une version quand on l’attend courte. C’est une manière de tenir la salle en éveil, mais surtout pour lui, de se donner l’occasion de respirer.
La mi-temps est l’occasion du verbe. On s’attendait à un moment d’émotion, et on a finalement eu une parenthèse drôle: son micro glissant sans cesse, lui réagissant aux bruits imprévus dans la salle, comme si un surnaturel burlesque s’était invité dans le show. La France répond avec son folklore, un chant de football qui déraille, lui sourit, tente d’imiter, échoue délicieusement. Mais surtout, une salle entière qui fait chorale bancale pour dire la même chose: ne pars pas tout de suite.
La conversation bifurque vers l’histoire en marche. G-Dragon salue les plus jeunes qui emportent le monde; il sait ce que signifie ouvrir une porte et la voir tenue par d’autres. Être l’un des premiers de sa génération à franchir le marché global, puis assister, non en spectateur mais en pair, à l’explosion d’un phénomène qui s’écrit encore. Pour lui, c’est une fierté qu’il a du mal à dissimuler.

Le spectacle, lui, ne cède rien à sa réputation d’icône mode. “Grandiose”, entend-on dans la salle. L’Übermensch nietzschéen n’est pas une thèse qu’on plaque, mais une aspiration, le récit:d sa vie : vivre selon sa propre loi, se soustraire aux injonctions jusqu’à faire silence, puis revenir autrement. Il en parle sans lourdeur, une explication simple, presque pudique, et l’on comprend que la longue parenthèse fut moins une absence qu’un espace de recomposition. Mais G-Dragon n’a pas changé au final. Il a juste muri. Énormément mûri et appris de ses leçons.
La transition vers Drama? On croit à un adieu, on espère à un prélude. La salle tient sa respiration, puis bascule dans ce noir épais qui, parfois, signifie la fin. Mais les écrans s’allument et les paroles s’affichent en hangeul. L’enthousiasme déborde la prononciation. Peu importe l’exactitude, l’anglais vient panser les approximations; la joie, elle, fait le reste.
Quand il revient, c’est pour un détour par Elvis Presley, comme pour rappeler qu’une légende sait reconnaître celles qui l’ont précédée, puis les présentations avec les danseurs, The Band Six, l’équipe exposée en pleine lumière, parce que la gloire, finalement, se partage.
Le plateau s’ouvre, il descend vers la fosse, déclenche une ruée qui a des airs de marée.
La clôture reprend le fil avec Untitled, 2014 et la scène se ferme comme un œil. Il avait dit qu’il était heureux; cela transperçait jusque dans les interstices, la manière de sourire avant la note, d’écouter la salle chanter faux mais vrai, de prolonger un couplet comme on garde un invité sur le pas de la porte.

On sort, non sans penser aux générations traversées, aux acclamations sans condition, aux désamours passagers en groupe avec BIGBANG ou en solo, aux retours en grâce, aux accidents et aux reconquêtes. Une trajectoire qui a connu l’excès, la réussite, le heurt et la remontée, et qui, malgré tout, tient debout.
Dans la foule, des enfants brandissent des bâtons lumineux comme des cierges. Les adultes ont des yeux d’autrefois. Le rêve de petite fille n’était pas que celui des adolescentes d’hier: il a changé de corps, s’est posé dans les paumes de celles et ceux qui ont grandi avec lui, et qui, ce soir, l’ont vu confirmer ce que la rumeur répétait déjà, qu’au-delà des saisons et des controverses, l’idole a trouvé sa forme la plus solide.
Peut-être est-ce ainsi qu’on devient GOAT: non en additionnant des records, mais en survivant au temps des autres et au sien, en acceptant que l’on vous voie sous toutes les lumières et en revenant, précisément, avec la bonne. Paris l’a compris dans un seul geste. Cette clameur imparfaite qui riait d’elle-même et insistait pour qu’il revienne. Le reste, la setlist l’a scellé: Power, Home Sweet Home, MichiGO, One of a Kind, Crayon, Bonamana, Butterfly, I Love It, Who You?, Today, Crooked, Heartbreaker (avec ce clin d’œil holographique de WinG), Bullshit traversé de Not Like Us et de Zutter, Take Me, Too Bad, Drama; puis l’after avec Can’t Help Falling in Love, This Love, IBELONGIIU, un Gyro-Drop aux présentations chaleureuses, Untitled, 2014. Une ligne qui ressemble à une autobiographie chantée, écrite pour celles et ceux qui, un soir de septembre, ont enfin touché l’affiche.
On se disperse finalement sur l’esplanade. Les enfants réclament encore une chanson. Des adultes comparent des vidéos floues en riant. Dans les sacs, du textile noir, des programmes, des roses rouges imprimées qui ne faneront pas. Le rêve referme sa porte doucement. Mais il n’a rien d’une illusion. On sait qu’il reviendra. Et Paris, une fois encore, sera prêt à répondre présent.
Coordination & contenu médiatique : Demona Lauren
Assistance contenu : Jin Chan
Photographie : GALAXY CORPORATION

great review. Indeed, it was amazing show.
Thank you so much, Kate 🖤 GD doesn’t often come his way to Europe. But when he does, he does it right ! 🤭✨